by Marianne Renoir | 21 septembre 2021 10 h 05 min
Si vous trouvez portes closes alors que vous vouliez vous faire tirer le portrait, c’est que nous n’êtes pas passé le bon jour ou que Romain et Thierry sont sur le terrain, comme souvent. L’un est peut-être en train de faire connaissance avec un fils d’agriculteurs, l’autre doit siroter un café coulé dans la case d’un habitant.
Depuis le mois d’avril et jusqu’à fin décembre, les deux photographes Romain Philippon et Thierry Hoarau investissent trois jours par semaine les locaux de l’ancien CCAS de la Plaine des Palmistes, première étape de leur itinérance documentaire qui longera la « route des Plaines ».
Marcel travaillait au kiosque, près de la mairie, lorsqu’il a été approché. « On a discuté et j’ai tout de suite accepté de participer [à leur projet] », se souvient le président de l’association Nout Goyavier et ancien sapeur-pompier. Natif de la Plaine des Palmistes, comme ses parents, Marcel n’a jamais eu envie de quitter cette commune où il fait bon vivre. « C’est bien de partir ailleurs, c’est encore mieux de revenir chez soi », assure-t-il.
Dans le 4° numéro de Fey Sonj, le journal mensuel distribué exclusivement à la Plaine des Palmistes, Marcel pose dans son hangar, en pleine installation de portes et de fenêtres. Ils sont des dizaines à avoir accepté d’ouvrir leur portes aux photographes. Et bien souvent, les habitants ont aussi ouvert leur cœur, se confiant sur leur parcours, parfois semé de drames.
« Il peut y avoir un effet presque thérapeutique dans la photographie, confirme Romain Philippon. Une photo peut redonner confiance en soi, se sentir unique ». Et de poursuivre : « certaines personnes vont répondre qu’elles n’ont rien d’incroyable à raconter alors qu’en réalité, elles ont plein de petites histoires. Elles n’ont pas l’habitude qu’on s’y intéresse ». Ce sont ces petites histoires, ces anonymes, les liens tissés entre eux et leur rapport à ces Hauts en mutation qui intéressent les deux professionnels, animés par la photographie documentaire.
« La photographie documentaire se fait rare, regrette Thierry Hoarau. Au début des années 1990, il y avait eu le projet « Trwa kartié » (le Portail à Saint-Leu, la Rivière des Galets et Trois-Bassins), un projet qui répondait à une commande publique. Depuis, il y a eu quelques projets comme « Le Grand Chemin » à Saint-Denis, le projet autoproduit de Jean-Marc Grenier sur le quartier de Patate à Durand ou encore la revue Fragments[1].
Pour mener à bien leur traversée, Romain et Thierry ont pu compter sur l’association Praxitèle, porteuse du projet, et un cofinancement par le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural).
« C’est un bon nafèr, un beau projet qui nous représente bien », juge Gilberte Boyer, originaire de Bras-Panon et installée à la Plaine des Palmistes depuis 6 ans. « Je cherchais des goyaviers, j’ai trouvé mon mari ! », plaisante-t-elle, tout en feuilletant les pages de Fey Sonj. « Regardez, c’est lui, là » dit-elle en nous montrant un cliché de son mari. Le dernier numéro en main, elle poursuit : « Et là c’est moi, en train de faire des bonbons millet ». Comme Marcel, elle aussi s’empresse de retrouver l’ambiance brumeuse, fraîche et paisible du cœur de l’île peu après un week-end chez ses enfants.
Gilberte, nous l’avons rencontrée lors de la collation offerte par les photographes à la sortie du Fey Sonj du mois de septembre. Les moments d’échanges sont l’occasion de discuter avec les professionnels, de découvrir l’ensemble de leurs productions (photos numériques, tirages, journal, sons, vidéos) et, pour les habitants, de se retrouver… parfois même des années plus tard.
Ces rencontres sont ouvertes à tous, Palmiplanois ou non, tout comme l’atelier. Un prétexte idéal pour aller changer d’air.
Source URL: https://www.apressi.re/traverse-deux-photographes-racontent-la-vie-des-palmiplainois/
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