« OMA », un couple de musiciens réunionnais à la conquête des Etats-Unis

by Marine Abat | 2 mars 2018 6 h 53 min

©Nicolas Janes

Ils forment un couple sur scène comme dans la vie. En août 2017, Romane et Gaël ont quitté La Réunion direction les États-Unis afin d’y poursuivre leur projet musical. Là-bas, OMA – c’est le nom de leur duo – profite de diverses opportunités et se produit régulièrement en concert.

C’est Romane, pianiste et violoniste de 21 ans, qui compose et écrit les paroles ; Gaël, par ailleurs professeur des écoles, s’occupe de la partie rythmique, arrangements et mixage. Leur style musical, de « l’électro alternatif », provient de la rencontre entre leur deux visions très différentes – et totalement complémentaires – de la musique

Le groupe espère acquérir assez de notoriété pour pouvoir vivre de sa musique à son retour à La Réunion. Les musiciens péi visent le Sakifo d’ici trois ans. Interview. 

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Apressi : Il y a quelques mois, peu après vous être mariés, vous avez décidé d’aller vivre aux États-Unis, à Oakland. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Romane : En juin 2017, j’ai été diplômée au CRR de La Réunion. Suite à cela, je me retrouvais face à un dilemme. Poursuivre mes études de musique en Europe, seule, ou rester avec l’amour de ma vie. Pendant cette lutte intérieure, Gaël avait envoyé des lettres de candidature un peu partout à travers le monde. J’avais finalement pris la décision de ne pas aller faire mes études en Europe, de rester avec lui. Comme nous n’avions pas eu de réponse sûre au niveau des candidatures, nous avions prévu d’aller habiter à Jaiselmer en Inde pendant 6 mois pour préparer notre premier album. Mais, surprise ! Le jour même où on s’était mis d’accord pour aller habiter en Inde, Gaël a eu un poste à Oakland (USA). J’ai suivi des cours de musique à Pyramind (San Francisco), qui reprendront en août, j’ai également la chance de pouvoir avoir Raz Kennedy comme coach vocal à Berkeley. 

Que permettent les États-Unis que ne permet pas La Réunion ? 

Gaël : Avant, j’aurais dit que ce n’est pas le lieu qui apporte le bonheur. Mais il est vrai qu’aujourd’hui, les opportunités que nous offrent la Bay Area n’existent pas à La Réunion. Ne serait-ce qu’au niveau des studios d’enregistrements qui sont vraiment des merveilles (à des prix abordables), ou des compétences qui sont beaucoup plus diversifiées ici. Tout ceci nous permet aujourd’hui de travailler avec des ingénieurs différents pour chaque étape de notre projet.

Romane : Nous sommes partis dans l’espoir de pouvoir vivre de notre musique à notre retour dans l’île. Nous aimerions pouvoir jouer au Sakifo festival, nous nous sommes donnés 3 ans pour arriver à ce stade de notre carrière. Mais avant d’arriver là bas, nous nous fixons de petits objectifs. Nous jouons régulièrement en concert dans la baie de San Francisco. Nous avons récemment été repéré par une agence de marketing spécialisée dans les carrières d’artistes. Nous attendons avec impatience de pouvoir vivre la suite !

Comment la formation du groupe s’est-elle passée ? 

Gaël : Le groupe s’est formé au CRR, dans les locaux temporaires situés à l’époque au Chaudron. Tous les cours se passaient dans de petites salles mal insonorisées et tout le monde pouvait entendre tout le monde jouer. La salle d’informatique musicale dans laquelle j’avais cours se trouvait en face de la salle de cours de Romane. Nous nous croisions donc souvent et moi je cherchais une voix féminine pour mes projets, j’avouerais aussi que je la trouvais charmante cette petite violoniste qui était toujours souriante avec tout le monde. En discutant un jour avec Romane, je lui ai fait écouter ce que j’avais dans mon casque et je lui ai parlé de mes projets. Elle a tout de suite été séduite par la mélodie et le son d’Aurora qui passait à l’époque en boucle dans mes écouteurs. Elle m’a alors dit qu’elle aussi avait des compositions et qu’elle cherchait un accompagnateur (c’est comme ça qu’ils appellent ça au Conservatoire… il m’avait bien fait rire ce terme.) Nous nous sommes donné rendez-vous pour travailler quelques jours plus tard. Nous restions jusqu’à très tard au Conservatoire attendant qu’il n’y ait quasiment plus personne pour pouvoir faire nos séances d’enregistrement. C’est sans doute ce qui nous a amené à créer des liens autres que ceux des rythmes, des mélodies et des accords.

Quel est votre projet à terme ? 

Nous sommes actuellement sur la production d’un EP (extended play) de 3 titres qui sortira dans le courant du premier semestre de cette année. Notre objectif en partant de La Réunion était de nous donner les moyens de faire ce dont nous sommes convaincus de faire le mieux c’est-à-dire la musique. Nous sommes sur la bonne voix. Nous souhaitons vivre de notre musique. Ne plus être dépendant d’un travail secondaire. 

De quoi vivez-vous actuellement ? 

Gaël : De mon travail, je suis professeur des écoles.

Où en êtes-vous actuellement ? Que vous reste-t-il à faire ?

Nous avons commencé à jouer à Berkeley et donc à tisser notre toile. Nous planifions de jouer le plus possible dans la Bay Area. Lors de notre venue à La Réunion en juin, nous prévoyons de faire la promotion de notre EP. En ce moment, nous enregistrons les voix pour les titres qui seront sur l’EP. Sa sortie est donc en bonne voix. Nous préparons également le travail artistique et visuel qui accompagnera la sortie de cet EP.

Vous avez tous les deux, je crois savoir, une véritable formation en musique ?

Gaël : J’ai commencé la musique en autodidacte, d’abord comme chanteur, puis rapidement comme bassiste dans un groupe de Metal lorsque j’étais au lycée. Arrivé à l’Université, j’ai joué dans quelques formations toujours en tant que bassiste, ça allait du Metal à l’incontournable Séga. Après quelques années que j’ai consacrées à autre chose que la musique, à tord maintenant que j’y pense. J’ai décidé de créer ma propre formation, un quatuor, qui n’a pas duré longtemps mais qui m’a permis de mettre en place une véritable dynamique de créateur et non plus de simple interprète. J’ai alors décidé de faire de la musique seul avec des machines. Je me suis aussi décidé d’aller au Conservatoire, j’y ai suivi des cours de Formation Musicale, de musique réunionnaise et d’informatique musicale. Les études d’informatique musicale étaient ce qui correspondaient le plus à mes objectifs ça m’a permis d’avoir une vision globale de ce que je pouvais faire avec des machines. J’ai donc décidé de faire une formation plus poussée en électro avec PointBlank Music School, une école de musique électronique londonienne, en faisant un Music Production Master Diploma en ligne.

Romane : A six ans je suis entrée au petit conservatoire de musique de Saint-André au Piano, à 10 ans au CRR au Piano, à 13 ans entrée au CRR au violon, à 16 ans j’ai obtenu mon Certificat d’Etudes Musicales au Piano, à 20 ans un poste de remplaçante en Formation musicale au CRR de Saint Denis, et 20 ans j’ai obtenu mon Diplôme d’Etudes Musicales en Formation Musicale. J’ai également fait de nombreuses collaborations avec des artistes de La Réunion en tant que violoniste. J’ai fait partie de l’Orchestre Régional de La Région. Nous avons également appris beaucoup de choses avec Marthe Tovar dans Solfaré.

Votre groupe s’appelle OMA. Pouvez-vous me dire pourquoi ?

Romane : À l’âge de 19 ans, je suis allée en Inde, plus précisément au Radjasthan. J’avais visité un temple, et dans ce temple il y avait une petite fille. Elle m’avait demandé comment je m’appelais, je lui ai répondu : “Romane”. Elle n’arrivait pas à prononcer mon prénom avec le même accent que moi, du coup, je lui ai dit de m’appeler “OMA” . Il se trouve que dans sa langue natale, “OMA” signifie “Sourire”. J’ai trouvée cette histoire tellement mignonne que je l’ai gardée pour nommer notre groupe.

Comment définiriez-vous votre style de musique ?

Gaël : Nous faisons de l’électro alternatif. Nous nous identifions difficilement à ce qui est nommé comme électro car cela désigne essentiellement de la musique à danser. Nous tentons d’apporter à notre style toutes nos influences/ Romane de part son parcours classique et théorique, de mon côté, j’ai toute la culture trip-hop et sombre de la fin des années 90 qui me guident fortement dans la création de mes instruments. Nous tentons en tout cas absolument d’y apporter notre culture réunionnaise notamment à travers les rythmes, c’est discret mais c’est ce qui fera que l’on nous différenciera des autres ici dans la Bay Area.

Quelques mots pour qualifier votre aventure loin de votre île ? Les bonnes choses et les moins bonnes… 

Gaël : C’est très difficile comme question car tout est différent et vraiment, quelques mots ne suffisent pas. Déjà, on a l’impression d’être au bord de la mer mais avec le temps de la Plaine. J’ai l’impression de découvrir quelque chose de nouveau tous les jours, même si c’est à deux pas de chez moi. Au niveau culturel, il y a ici un vrai esprit communautaire, les gens se retrouve toujours autour d’un intérêt commun, ou d’un même état d’esprit, souvent aussi en fonction de l’origine ethnique. J’aime le fait de pouvoir aller très loin. Ce qui est dur c’est bien sûr de vivre loin de son île et de sa famille c’est aussi de ne pas pouvoir parler sa langue. Mais ce qui me plaît c’est que les gens admirent le fait que dès 3 ou 4 ans, j’ai été déjà bilingue (alors qu’à La Réunion, beaucoup de gens voient le créole comme une tare). Au niveau de la nourriture, j’ai appris à cuisiner des choses mexicaines. Mais on retrouve beaucoup des ingrédients qu’il y a à La Réunion ici. Je trouve qu’il fait froid, mais je m’y habitue. Trop de bruit, trop de pollution, trop fragile, j’ai totalement changé d’avis.

Romane : Ébahie – Se sentir minuscule – Tristesse d’être loin de notre famille de nos proches – Joie de rencontrer de nouvelles personnes – Abondance – Manque – Choc de culture – Bruit – Pollution -Diversité.

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Endnotes:
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  2. https://www.reverbnation.com/artist/omadreamer2: https://www.reverbnation.com/artist/omadreamer2

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