Écriture et méditation, une clé pour les prisonniers

by Marine Abat | 31 mai 2018 18 h 12 min

Voilà comment un burn-out peut finalement mener à la sérénité. Après une période sombre et difficile, Isabelle Kichenin a trouvé sa voie, celle qui la rend heureuse. Ancienne journaliste et communicante, la Réunionnaise est restée dans l’univers des mots et de l’écriture, sa passion, mais d’une toute autre manière. En travaillant sur des romans, à l’instar de Gourmande, son premier, mais aussi avec son projet innovant : les ateliers d’écriture bienveillante.

Le premier du genre a été donné à des détenus du Port, de février à mars dernier. Une dizaine de prisonniers a appris, à ses côtés, à mêler méditation de pleine conscience et écriture. « Ce sont des outils qui m’ont aidée à m’en sortir, se souvient-elle. Des outils qui participent à cultiver la bienveillance ».

« Submergée d’émotions »

Tout a commencé lorsqu’elle a répondu à un appel à projet de la DAC-oI et du SPIP*, l’an dernier, pour animer un atelier d’écriture créative à la prison de Domenjod. Une expérience formidable dont elle garde un merveilleux souvenir. Parallèlement sortait son premier roman, Gourmande, abordant le sujet de l’inceste et de la maltraitance infantile. « Je me suis retrouvée submergée d’émotions de lecteurs qui me parlaient de leurs souffrances. C’est là que j’ai eu un déclic. Je me suis dit que je pouvais apporter bien plus aux stagiaires des ateliers, en associant la littérature à la médiation. Et tout ce que j’ai lu sur le sujet a confirmé mon intuition ». Convaincue par l’utilité de ce concept, la romancière a alors entrepris une formation de deux mois sur l’art de la méditation de pleine conscience, avant de lancer ce programme baptisé PLUMES (Paroles Libres – Utiles Mots – Émotions Sereines).

Pendant les huit séances données au centre de détention du Port, Isabelle Kichenin a senti les liens se tisser entre les participants. Se resserrer. Ces ateliers ont été le théâtre de profonds échanges emplis d’émotions, où chacun a pu se livrer, s’exprimer en lisant à voix haute ses écrits, et accueillir ceux des autres. Pendant ces trois heures hebdomadaires, lecture d’extraits de roman, méditation, approche des notions de bienveillance, d’empathie et d’interdépendance ont été abordées. « La méditation a une influence positive sur le cerveau. On se concentre sur un point, par exemple sur le va-et-vient de son souffle. On accueille le bavardage du cerveau, inévitable, tout en faisant l’effort de revenir vers le point de focalisation » résume-t-elle. « Ça permet de lutter contre le stress, ça augmente l’attention et le rapport aux autres, l’empathie ».

Une pratique qui a séduit les participants. « Les détenus ayant participé aux ateliers se regardent davantage dans les yeux lorsqu’ils se disent bonjour dans la cour. Ils sourient entre eux. Désacraliser l’écriture, les livres, redonne leur confiance », a témoigné l’un d’eux, reconnaissant, dans une lettre adressée à sa formatrice. Un océan de bonheur pour Isabelle Kichenin, qui se sent pleinement en phase avec elle-même, pleinement à sa place.

« Tout le monde est capable de créer du beau »

Au terme de ces huit séances riches en émotions, plus de cinquante textes ont été produits par les prisonniers, particulièrement assidus et motivés. Des écrits collectés dans un recueil, dont chaque participant a eu une copie. Sûrement un précieux cadeau, lorsqu’on est enfermé dans une cellule à longueur de journée.

Totalement conquise par sa première expérimentation, Isabelle Kichenin a déposé son programme au concours de l’innovation des assises des outre-mer. S’il ne fait malheureusement pas partie des six projets réunionnais pré-sélectionnés par le jury, la romancière espère tout de même voir émerger des études pour mesurer l’impact positif de son programme.

Dorénavant, l’auteure continue de développer son concept, déposé au copyright. Priorité : donner des ateliers à destination de personnes ayant subi – ou subissant – des violences (physiques, sexuelles ou économiques). Et pour répondre à la demande de particuliers, elle s’attelle également à la mise en place de modules grand public. « Tout le monde est capable de créer du beau », assure-t-elle, un large sourire accroché aux lèvres.

Ci-dessous les textes de deux détenus, rédigés au centre de détention du Port :  

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Les ateliers d’Isabelle Kichenin à destination du grand public débuteront dans les mois à venir :
=>  » L’écriture de soi « 
      Stage d’écriture bienveillante, accompagnement à l’écriture autobiographique, 8 séances de 3h (août 2018)
=>  » P.L.U.M.E.S – Écriture bienveillante « 
      8 séances hebdomadaires de 3h (septembre- octobre 2018)
Renseignements et inscriptions: wopeisabellekichenin@gmail.com[1]
Site internet : https://wopeisabellekichenin.com/ [2]
Page Facebook : https://fr-fr.facebook.com/wopeisabellekichenin/ [3]
*DAC-oI : direction des affaires culturelles – océan Indien SPIP : service pénitentiaire d’insertion et de probation de La Réunion
Endnotes:
  1. wopeisabellekichenin@gmail.com: mailto:wopeisabellekichenin@gmail.com
  2. https://wopeisabellekichenin.com/ : https://wopeisabellekichenin.com/
  3. https://fr-fr.facebook.com/wopeisabellekichenin/ : https://fr-fr.facebook.com/wopeisabellekichenin/

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