5XP10 : Le livre mystique des Saint-Expédit de l’île

by Soe Hitchon | 14 janvier 2019 17 h 33 min

Comme la boutique chinois au coin de la rue, le royal bourbon au bord de la route ou le flamboyant qui pète en plein été, La Réunion c’est aussi ces petits coins décorés installés dans un bout de rocher, contre un mur ou au pied d’un arbre. Saint-Expédit est partout. Les structures rouges qui abritent les statuettes du P’tit Bon Dieu attirent le regard et la curiosité. Et il y a de quoi. Vénéré partout sur l’île, Saint-Expédit est là pour réaliser nos vœux, même les plus fous. C’est pour cela qu’il se voit protégé par des petites chapelles soigneusement érigées, les unes plus belles que les autres.

C’est ce travail, cette dévotion, qui a aussi attiré Kid Kréol et Boogie, les deux artistes dionysiens qui ont voyagé dans le monde entier grâce à leur travail mais qui restent  sensibles au mysticisme créole. « C’est une expression visuelle plastique endémique et populaire réunionnaise, explique Boogie, il n’y a pas de notions d’architecture ni de codes. Chaque maison est différente ».

Aussi différentes que les manières de prier : « Les gens le prient de leur propre façon. C’est un culte à la fois populaire, publique et très intime ». Et plus intéressant encore d’un point de vue artistique : « Une œuvre est réalisée pour ceux qui vont la regarder, avoue Kid Kréol, mais dans ce cas-là, ils l’ont fait pour eux-mêmes sans être dan l’attente de ceux qui pourront la voir ».

« C’est une dévotion de construire, et on a voulu respecter ce travail là »

Leur but, donc : respecter ces œuvres et les reproduire à l’identique. Depuis 2012, le duo sillonne le département à la recherche des ces Saint-Expédits. Ils en ont reproduits, « au galet prêt », 300 sur papier. « C’est une dévotion de construire, comme une promesse faite, explique Kid Kréol, et on a voulu respecter ce travail là ».

Leur travail à eux, ils l’ont retranscrit dans un livre intitulé 5XP10. Pratiquement chaque dessin a été réalisé à deux. Un gros ouvrage qui contient les dessins, leur localisation, et les textes d’anthropologues, historiens, poètes, plasticiens… et de Monseigneur Aubry. Une façon de mettre en valeur la profondeur spirituelle de ces œuvres qui rassemblent des pratiques à la fois catholiques, malgaches et malbares. Sorte de « matérialisation de la spiritualité locale ».

C’est un travail qui leur ressemble, à Kid Kréol et Boogie. Leurs « zamérantes », vous les avez déjà aperçues – c’est obligé – sur les mûrs des villes ou sur de vieilles maisons créoles délabrées. Des gros monstres à cornes qui représentent les âmes des ancêtres et le mystère autour de cet inconscient collectif créole.

Avec des projets « plus sérieux » que de peindre sur des murs en pleine nuit, peut-on malgré tout espérer un retour au street art pour ces deux passionnés ? « On l’espère ». Gagner son pain, c’est bien, « mais pouvoir dire allons sortir et peindre ce soir, c’est bel ». C’est même le but de tout ça.

Leur livre sera disponible dans les librairies de l’île dans les prochains jours.

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